Chasseurs de Légendes épisode 1:Ombre

Les chasseurs accompagnés de Blake chevauchèrent quatre heures durant, sans pauses. Lorsqu’ils arrivèrent, un incroyable spectacle les cloua sur place. La horde de wyverns était déjà là, et s’était arrêtée à l’entrée du défilé. Un homme se tenait au milieu de la passe, immobile. Il était vêtu d’une grande cape de voyage délavée et portait dans son dos une gigantesque épée de cristal clair et transparent. Il tournait le dos au groupe et ne les avait pas aperçus. La meute semblait hésiter à charger, comme s’il émanait de lui une aura de danger.

Le chef de meute finit par se décider, entrainant toute la horde à sa suite. Le guerrier resta immobile. Les Kut-ku n’étaient plus qu’a une dizaine de mètres de lui.

Il ne bougeait toujours pas.

Cinq mètres.

La lame de cristal s’abattit sur le meneur.

Bec fracassé, il s’écroula au sol. Sans vie.

La bataille s’engagea et bientôt, le groupe ne put apercevoir du chasseur que la lame sanglante qui tournoyait parmi les créatures enragées, frappant, tranchant,
brisant, déchirant la chair et les os.

La première à se ressaisir, Alina cria :

-Allons l’aider !

Les chasseurs se reprirent, descendirent de cheval et coururent en direction de la bataille.

Et très vite, ce ne fut plus une bataille, cela vira au carnage, à la boucherie.
Les six chasseurs faisaient front dans la passe, empêchant les Kut-ku de passer, les repoussant sans cesse, alors que l’inconnu restait au centre, abattant toute créature qui osait encore s’approcher de lui.

En moins d’une heure, le défilé fut rempli de corps mutilés et de membres coupés. Les chasseurs, qui avaient du reculer au fur-et-à mesure que les cadavres s’entassaient, s’étaient retrouvés très proches de la sortie du défilé. Drakov soupira :

-Pfiouuuuuuuu, un peu plus et ils s’enfuyaient tous !

-Et c‘est grâce à lui… Qui est-t-il ? Continua Alina en désignant le mystérieux chasseur.

Ce dernier marchait parmi les décombres, toujours vêtu de sa grande cape grise, maintenant couverte de sang. Il tenait son épée à bout de bras comme si elle ne pesait rien, et il ne semblait pas se rendre compte de la présence du groupe.

-Je vais aller lui parler, fit Arturo, décidé.

Il s’approcha de l’inconnu, qui lui tournait maintenant le dos.

-Nous voudrions vous remercier pour votre aide, chasseur. Sans vous, les Kut-ku seraient passés. À qui avons-nous l’honneur ?

Le guerrier se retourna lentement.

-Legolas, pour vous servir. Et ne me remerciez pas, je n’ai fait que mon devoir de chasseur. Pokke est dans cette direction si je ne me trompe, et je sais à quel point ces wyverns sont dévastateurs lorsqu’ils sont en groupe, lui répondit-il, non sans éloquence.

-Et bien, vous semblez voyager, pouvons-nous vous offrir le gîte et le couvert pour cette nuit, en gage de remerciement ?

-Je me rends à Pokke, et ce sera avec joie si vous allez au même endroit. Je viens de passer la frontière et je n’ai pas dormi dans un lit depuis… trop longtemps.

-C’est le cas. Venez, je vais vous présenter aux autres.

Arrivé à la dernière poignée de main, celle de Must, ce dernier dit :

-Votre maîtrise de la grande épée est impressionnante, où avez-vous appris un tel art ?

-Oh, tout seul. Les routes de ce continent ne sont plus sûres, de nos jours.

-Impressionnant ! Vous avez du faire de nombreux combats !

À ces mots, le visage de l’homme s’assombrit, tout comme sa voix…

-Trop, beaucoup trop…Mais passons, j’ai faim ! Quand partons-nous ?

-Must, Drakov, Alina, Raph, vous venez avec nous ? Fit Arturo.
Les membres du groupe se concertèrent du regard.

-Non, il faut qu’on rentre faire notre rapport. À la revoyure !

Et ils partirent, mais Arturo se doutait qu’il les reverrait bientôt…
À pied, comme Legolas n’avait pas de cheval, le petit groupe prit la direction du village de Pokke.

Blake chuchota à l’oreille d’Arturo :

-Mraw, Arturo, je n’en suis pas suis mais je crois avoir déjà vu cet homme quelque part.

-C’est possible, ce chasseur parait avoir voyagé énormément.

-Non rrrroonnnn, enfin, vous devez avoir raison…

Mais Arturo aussi avait des doutes. Ce soir, il fallait qu’il vérifie…

Le groupe arriva à Pokke peu après la tombé de la nuit. Ils se rendirent chez la doyenne pour lui faire leur rapport. Elle habitait une maison dans le centre-ville, en chêne, ce qui était un luxe dans ces montagnes. Elle les fit entrer, et commença :

-Alors, vous le savez arrêtés ?

-Oui, grâce à ce chasseur. Sans lui, nous n’aurions pas pu réussir. C’est lui qui les a abattus, ou presque.

-Tiens donc… Merci de votre aide chasseur, comment puis-je vous remercier ?

-Oh, ce n’est rien, vraiment. Dites-vous juste que la dette de vie d’un petit garçon à été payée…

Le regard de la doyenne changea. Il passa de sombre, à profond.

-Je vois. Alors, que le petit garçon aille en paix, il est désormais libre.

Devant cet échange pour le moins curieux, Arturo, Savraël et Blake étaient, restés interdits. Legolas s’inclina et quitta la pièce sans se retourner.

-Ne vous inquiétez pas mes enfants, c’est une longue histoire entre lui et moi, que lui ou moi vous raconterons un jour. Quand à qui il est, vous le saurez bien assez tôt ...Bonne nuit, fit la vieille femme sur un ton mystérieux.

L’air était frais dehors, et les étoiles scintillaient de milles feux. C’était une belle nuit.

-Rhaaaaaaaaaa ! Je n’y comprends rien à leurs petits secrets, ça m’énerve. Et il y a peut-être rien à comprendre mais ça m’énerve.

Savraël était rouge comme une écrevisse. Arturo lui répondit :

-C’est booonn ! Moi aussi je veux savoir, moi aussi je veux des réponses. Et je peux peut-être en trouver une…

Sur ces mots, il partit d’un pas vif vers sa maison, Savraël et Blake sur les talons.

C’est là, devant la porte, qu’ils trouvèrent Legolas, effondré.

-Où est Drackus ? Ou est mon frère !!?

-Mraw ! Je le savais, je le sav… !

-Blake, la ferme ! Venez Legolas, rentrons, fit Arturo.

Il prit le chasseur par le bras et l’emmena à l’intérieur.

-Blake, prépare-nous du thé s’il te plaît.

Arturo plaça Legolas, qui pouvait à peine tenir debout, dans un fauteuil, puis lui et Savraël s’installèrent à leur tour. Il prit une grande inspiration, et commença :

-Je vais aller droit au but. Drackus est mort depuis huit ans. Je suis son fils, Arturo. Il est mort en combattant le Tigrex noir à la tour des dragons. Et je me rappelle de vous. Vous êtes mentionnés dans le dernier journal de mon père à deux reprises : Une lors de son mariage avec Sylva et l’autre, quelques jours après, lorsque vous avez quitté votre lieu de naissance pour partir sur les routes. Ce journal ne commence que quelques jours avant son mariage, je n’ai pas les autres. Je ne sais donc rien de vous, à part que vous êtes son frère de sang, son frère d’armes, et qu’une partie de lui s’en est allé avec vous, loin d’ici, par delà les montagnes de Dondruma.

Il s’arrêta de parler. Blake apportait le thé. Savraël et Legolas étaient restés impassibles lors de l’énoncé. Blake s’installa, et Legolas prit la parole d’une voix cassée :

-Tu as raison. Pour tout. Absolument tout. Mais Drackus était puissant, bien trop pour se faire tuer, et j’ai du mal à te croire. En fait, mon cœur ne veut pas le croire, mais ma raison l’y oblige…

Un long moment de silence suivit ces tristes paroles. Il fut interrompu par Blake.

-Ne vous tourmentez pas, je pense qu’il est mort avec des regrets, comme celui de ne pas vous avoir revu ou de ne pas avoir vu son fils devenir le chasseur dont il aurait été si fier. Mais il a réussi à faire ce qu’il voulait le plus au monde : aider Dondruma et e peuples qu’il aimait tant, comme un roi d’antan dévoué à son royaume.

-……. Ah, Blake, comme tu as vieilli, comme tu es devenu sage ! Mais j’ignore ce que je vais faire maintenant, je me suis recherché pendant toutes ces années d’errance, et j’ai l’impression de n’avoir rien accompli… Je ne sais plus quoi faire…

-Hum, si je puis me permettre, la nuit porte conseil. Il est tard et nous sommes tous fatigués, nous n’arriverons à rien ce soir.

Savraël s’était exprimée sur un ton calme. Arturo dit :

-Ce sont de sages paroles. Blake, aide-moi à installer un matelas ici. Legolas, j’imagine que vous dormez là ?

-Oui, merci.

Tout cela installé, le sommeil ne tarda pas à reprendre ses droits sur le corps de ses compagnons, sauf sur un. Lorsque Legolas se coucha, il avait déjà choisi. Il se l’était déjà juré. Il s’endormit, le sourire aux lèvres…