Chasseurs de Légendes épisode 1:Ombre

Le groupe arriva en milieu de nuit à l’avant-poste le plus proche, situé plus à L’Est, entre la forêt et le désert. Paladius, qui accompagnait Alexia pour son « examen », prit une chambre avec sa nièce. Les trois autres en prirent une grande, avec trois lits séparés. Après un repas peu copieux et tout aussi peu savoureux, Arturo, Legolas et Savraël s’endormirent, mais pas les deux autres. Alexia, dans son lit, demanda :

-Paladius, tu crois que je vais réussir à tuer le Barroth ?

-Je ne sais pas. C’est un monstre relativement simple à vaincre, mais quand on manque d’expérience, il surprend. Dors maintenant, tu ne gagneras rien en te tracassant de la sorte.

-D’accord. Bonne nuit.

-Bonne nuit.

Alexia, quelque-peu rassurée, s’endormit vite.

Le lendemain, Legolas, indulgent, laissa Alexia dormir jusqu’à onze heures. Passé ce délai, il s’en alla vers le puits, au milieu de la cour, et revint arroser copieusement l’adolescent d’eau bien fraîche. Elle se releva en hurlant, trempée jusqu’aux os.

-Legolas ! Mais, que faites vous ?!

-Le réveil des champions. Je te signale qu’il est onze heures passé et que les Barroths sont beaucoup moins patients que moi. Tu as dix minutes pour t’équiper, et le petit dèj, tu peux faire une croix dessus.

Sur ce, Legolas quitta la chambre. Savraël et Arturo étaient sur le palier, l’air grave. Paladius, qui avait pris Legolas à part, lui demanda :

-Vous êtes dur avec elle. Elle n’a que quinze ans, je vous signale !

-C’est vrai, et justement, j’en ai discuté avec mes amis, et je pense que si elle veut venir avec nous, il faut qu’elle soit forte. On ne va pas chasser du Kut-ku, alors il faudra bien qu’elle s’adapte aux pires situations. Soit elle progressera, et vite, soit elle partira. Dans le pire des cas, vous-vous en doutez bien, elle peut mourir, alors un petit seau d’eau…

-…C’est d’accord. Mais s’il lui arrive malheur, sachez que vous ne serez en sécurité nulle-part sur terre.

-C’est noté.

Les deux hommes se jaugèrent du regard, faisant monter peu à peu la tension. Elle devint presque palpable, au point que les employés ne s’approchaient pas à moins de cinq mètres d’eux. Ce fut Alexia qui rompit à toute vitesse cet affrontement visuel, en arrivant à toute vitesse devant Legolas.

-Je suis prête. Désolée d’avoir dormi si tard.

Le chasseur se tourna vers elle. Il venait de discerner un éclat de détermination dans ses yeux verts.

-Ce n’est rien. Maintenant, tu sauras qu’un chasseur, lorsqu’il n’est pas en vacances, se lève en même
temps que l’animal qu’il va traquer. Alexia hocha la tête. Legolas sourit.

-Bien ! Arturo et Savra doivent déjà nous attendre.

Plus tard, quête contractée et chasseurs armés, le groupe marchait sur un terrain poussiéreux tant que rocailleux. Le monstre avait été signalé aux alentours des zones boueuses Le commanditaire de la quête était un wyvernologue désireux d’étudier de plus près l'anatomie des wyverns terrestres. Savraël, qui était partie en éclaireuse à l’avant, revint quelques minutes plus tard.

-Il dort dans un lac de boue, fit-elle en regardant Alexia.

-Alors, c’est toi, continua Arturo. On ne sera pas loin en cas d’urgence, Savra et moi. Legolas
t’accompagne mais ne compte pas sur lui pour abattre la bête. C’est compris ?

-Oui. Combien de temps me donnez-vous ?

-Quarante minutes. Passé ce délai, tu pourras rentrer chez toi.

Alexia déglutit avec peine. Elle se retourna vers son oncle, qui lui sourit, l’air de dire : « Vas-y, tu en es capable. » Elle sourit à son tour, et demanda :

-Quel est votre meilleur temps au Barroth ?

-Jamais tué, il n’y en a pas à Arcadia.

-Douze minutes vingt-sept secondes, avec ton niveau d’armement environ.

-Neuf minutes et des poussières, fit Legolas. Allez, finis la parlotte, place à l'action!

-Oui. Je vous suis, Sire Legolas.

Arturo et Savraël s'étranglèrent... de rire. L'adolescente, s'interrogeant sur la raison de leur hystérie, s'écarta en compagnie du chasseur.

"Sire Legolas, ça sonne plutôt bien", songea ce dernier...

Le monstre était dans un lac de boue, en effet. Mais il ne dormait plus. Pas de bol. Les deux chasseurs se cachèrent derrière un rocher, et "Sire Legolas" prit la parole, un sourire sadique accroché aus lèvres :

-Un mâle dans la force de l'âge. Tu en as de la chance, c'est rare de voir un si beau spécimen de nos jours.

-Ah.

Plate réponse d'Alexia. Mécontent que sa phrase n'aie pas eu l'effet escompté, il s'énervea.

-Bon alors, tu l'entame ou tu rentres chez toi ?!

Légère victoire. De courte durée. Alexia tourna la tête.

-Je vois bien que vous essayez de me faire enrager, mais vous ne réussirez pas. J'ai trop attendu. Alors si vous n'avez rien à faire, taisez-vous ou partez.

Legolas ouvrit la bouche. La referma. Il n'y a pas à dire, elle est douée. Le chasseur ne dit plus rien, et l'adolescente pu se concentrer sur sa proie.

"Rien à craindre des pattes avant, songea-t-elle. En revanche, sa tête à l'air dangereuse. La queue, moins mais à ne pas négliger. Pattes arrières puissantes, ses charges doivent être mortelles. Mais la boue sur son dos, elle m'intrigue... bon, c'est parti !"

Elle tourna à nouveau la tête vers son... examinateur retors et s'exclama :

-Top chrono !

Elle deguaina son fouet, caché dans un fourreau de katana et se mit à courir en direction du monstre, qui la vit tout-de-suite et la chargea presque instantanément.

Elle fit un large écart sur la gauche, et envoya Clac-enfer vers la patte arrière droite de l'animal. Bien entendu, elle ne put retenir les six tonnes de chair lancés à pleine vitesse et fut trainée sur plusieurs dizaines de mètres.

Quand la créature arrêta, la chasseresse fit un vol plané et atterrit sur son dos. Par réflexe, elle détacha son fouet de la patte. Il coulissa aisément, cassant la boue collée sur le membre du monstre. Il rugit, et éclaboussa un large périmètre autours de lui de boue et de terre. Alexia tint bon, agrippant aux aspérités sur le dos du Barroth.

Soudain, une idée lui vint. Elle vous paraîtrait saugrenue si je vous la révelait, alors mieux vaut que vous le voyiez par vous-mêmes :

La chasseresse grimpa, et s’arrêta sur la tête. Le Barroth rua, agacé par la fourmi qui lui courait sur le dos. Remarquant l'inutilité de son geste , il posa au sol une patte et voulut basculer sur le coté, mais un traction dans sa bouche l'en empêcha. Alexia avait utilisé son fouet comme des rennes, après l'avoir passé dans la bouche du monstre, et tirait dessus comme si elle voulait... le contrôler !

Il força de plus ne plus, et elle devait à chaque fois le rappeler à l'ordre de manière plus violente. Incontrôlable, la gueule en sang, il finit par charger vers le flanc d'une falaise. Quelques mètres avant de se fracasser sur la muraille de roche, Alexia sauta. Elle roula dans la boue et la poussière, s'écorchant les bras et les genoux malgré son armure. Le Barroth, quand à lui, continua vers les rochers et s'y fracassa dans un bruit de fin du monde. Il ne bougea plus.

La chasseresse essaya de se relever. Essaya je dis bien. Elle gémit.

"Je crois que j'ai le bras droit déboité. C'est bien ma veine... et voila l'autre qui se réveille",pensa-t-elle.
En effet, le monstre se relevait, lentement mais sûrement. L'adolescente, voyant bien qu'elle n'avait pas le choix, attrapa son coude droit de sa main valide, le plaqua contre son torse et le releva lentement.

-HAAAAAAAAAAAAAAAAA!!!! hurla-t-elle sous la douleur fulgurante qui lui traversait tout le bras.

Le Barroth se tournait maintenant vers elle. Legolas se releva.

Le monstre gratta la terre sèche, prêt à charger. Le chasseur courut vers l'adolescente, voyant bien qu'elle était incapable de bouger.

Un cri l'arrêtta.

-Legolas, reculez !

C'etait Alexia. Elle était debout, la main droite sur la poignée de son fouet, renguainé dans son fourreau. Il sourit.

-Tu es sûre de ce que tu fais ?

-Absolument.

Elle n'avait même pas tourné la tête vers lui.

-Bien.

Il recula, s'écartant de la chasseresse.

Souriant encore.

Le monstre se mit à courir, tête plaquée au sol.

Alexia écarta et fléchit les jambes.

Position de combat.

Le Barroth s'en moquai. Accéléra.

Une seconde avant l'impact, la fille roula sur le coté, et envoya son fouet.
Dans les yeux du monstre.

Aveuglé, il s'écroula au sol dans une gerbe de sang. Cette fois Alexia n'attendit pas qu'il se soit relevé. Elle s'enroula son arme autour de son cou, et tira d'un coup sec.

La créature trembla une dernière fois et ne bougea plus. La nuque brisée.

Alexia vit Legolas qui accourait vers elle. déjà sa vue se brouillait de fatigue, et le voil noir de la scène tombait devant ses yeux.

Le néant, plus rien. Alexia s'évanouit.

Alexia se réveilla dans ce qui sembalit être sa chambre à l'avant-poste. Elle percevait des voix, celles de Legolas et Paladius, semblait-il.

-...ous ne l'avez pas protégée ! Le Barroth chargeait, et vous ne l'avez pas aidée !

-Je ne vous permet pas ! J'ai accouru pour l'aider, et elle a refusé ! Elle a décidé qu'elle le vaincrait seule, même en risquant sa vie !

-Et vous l'avez laissée faire !

-J'ai respecté son choix ! Si elle n'avait rien dit, soyez certain que j'aurai tué cet animal !

-Pffff, ça ne vous aurait rien coûté de l'aider !

-... Vous croyez ?

-Oui, un Barroth ce n'est rien pour vous !

-Je vais vous dire une chose. En l'aidant, j'aurais risqué ma vie moi aussi. Je n'ai pas de passeport et je suis interdit de chasse tant que je n'en ai pas. Tuer un Giaprey, et je prends cinq ans. avec un peu de chance. Un Barroth, c'est la peine de mort et avec de circonstances atténuantes c'est la prison à perpétuité. Vous le savez aussi bien que moi.

-... Je suis désolé, je l'ignor...

L'adolescente gémit. Paladius accourut à son chevet.

-Alexia ! Tu vas bien ?

-Beuh... j'ai mal au cœur, la tête qui tourne...Mais ça va...

-Bon. On va te laisser te reposer.Venez Legolas, sortons.

Les deux hommes se dirigèrent vers la porte. Le forgeron était déjà sorti lorsque Alexia dit :

-Legolas, pouvez-vous rester un moment ?

Ce dernier croisa le regard de Paladius, qui hocha la tête. Il ferma la porte, et s'approcha du lit. Il prit un tabouret et s'assit.

-C'est vrai ce que vous avez dit ? Lui demanda la fille.

-De quoi ?

-Que vous auriez risqué votre vie en me protégeant ?

-Oui. Ça t'étonne ?

-Venant de votre part, oui. Vous faisiez tout pour me démoraliser avant la chasse, alors...

-Mmmmmmh. C'est vrai, mais c'était un test.

-D'accord. Mais pourquoi n'avez-vous pas laissée la place à Savraël ou Arturo ?

-...Aucun ne peut arrêter un Barroth en pleine charge.

-Je vois... Donc, je suis prise ?

-Je pense que oui...

-Yeaaaaaaaah !

Alexia sauta au cou du chasseur, l'étranglant presque, folle de joie.

-Heu, c'est bon Alexia, c'est bon... Bien je vais te laisser te reposer. On part demain, alors prends ton temps.

Legolas sortit de la pièce, inutile de dire qu'il ne s'est pas retourné.





-Legolas ?

-Oui Arturo ?

-Tu lui as dit quel temps elle a fait ?

-Non.

-Pourquoi ?

-Je préfèrerais qu'elle ne prenne pas la grosse tête.







Le voyage du retour se fit sans encombre, empli de discussions entre Legolas et Paladius à propos de la paperasse concernant Alexia, et les blagues moisies d'Arturo qui faisaient rire Alexia et grogner Savraël.

Parti à l'Aube, le groupe arriva vers midi chez Paladius.

-Bon, on casse la croute, je prépare les papiers d'Alexia avec son oncle et vous l'aidez à préparez ses affaires. Après, on devra se dépêcher de rentrer avant la nuit.

Legolas avait parlé d'un ton ferme, en mettant pieds à terre devant la maison. Tout le monde acquiesça.

Une fois dans le salon, Paladius sortit du secrétaire en chêne une liasse de papiers et la posa sur la table, devant Legolas.

-Tout est là. Le transfert de l'autorité parentale, le passeport de chasse, les assurances, l'autorisation de port d'arme, puis l'autorisation à la chasse, à la pêche et à la collecte de minerais sur tout les terrains régit par la guilde de Dondruma. Tu dois juste signer les assurance et le transfert d'autorité, comme prévu.

-D'accord...répondit Legolas.

Dans sa chambre, Alexia rassemblait ses affaires. Deux trois habits, un portrait de sa mère, ses accessoires de chasse et ses deux uniques livres. L'un parlant de forge et l'autre de légendes de chasse, son livre de chevet depuis qu'elle savait lire.

Elle soupira en voyant que toutes ses possessions tenaient dans un sac à dos...

Elle descendit à l'atelier, pris les quelques outils qui lui appartenaient, et sortit pour poser son sac près des chevaux. Arturo et Savraël attendaient là, patient.

Legolas sortit, un sac de cuir à la main.

-Alexia, ton oncle t'attend dans le salon.

La chasseresse hocha la tête, et rentra dans la maison.

-Alors, prête pour l'aventure ? lui demanda Paladius.

-Je ne sais pas. Ça fait plusieurs fois que je déménage, alors ça ne fait plus rien, ou presque.

-Hum... Je suis content que tu aie trouvé un groupe qui t'accepte. Les précédents on été tellement méprisants envers toi...

-Les types de Schrade ?

-Oui.

-Bah, ils étaient doués mais totalement imbus d'eux-mêmes. Je ne regrette pas.

-C'est vrai. Bon, Legolas à l'air dur, mais c'est sûrement un chasseur doué. Tu aprendra vite avec lui.

-Mmm, mais il a un bon fond, je pense. Et puis, Savraël à l'air un peu folle mais elle est très sympathique. Arturo, je ne sais pas trop. C'est un comique, mais je ne le connais pas assez. Bref, c'est une bonne équipe.

-Oui. Bref, je pense qu'on se reverra dans quelques mois, quand je passerais par Pokke pour vendre un peu.

-D'accord.

Le forgeron serra dans ses bras celle qu'il considérait comme sa fille, et la raccompagna à son cheval.

Le groupe dis au-revoir à Paladius, et partit au galop, vers Pokke.

Le forgeron souffla, pour seul au-revoir :

-Ouvre tes ailes, Alexia, ouvre-les... et envole-toi...

Dans la clarté de ce milieu de journée, ses larmes scintillaient au soleil.

Le crépuscule s'embrasait d'or et de feu quand les cavaliers mirent pieds à terre. Ils redonnèrent les chevaux à leur propriétaire, un homme dans la force de l'âge, dont l'amour pour ses bêtes était connu à des kilomètres à la ronde. Ils firent à pieds les derniers mètres qui les conduisaient chez Arturo, et entrèrent.

Les felynes cuisiniers s'activaient dans la cuisine, et les autres employés s'installaient dans une autre pièce, réservée aux felynes. Elle servait de chambre, mais elle n'était occupée que par Blake depuis un certain temps.

Ce dernier lisait un journal, en fumant sa pipe, bien calé dans un fauteuil. Il releva la tête quand le groupe entra.

-Mraaaaw ! Bonsoir ! ... Hum, j'ai l'impression de me répéter, mais qui est cette jeune demoiselle ?

-Notre nouveau chasseur, répondit Arturo.

-Pa...pa, pard'rron ?!

Les trois chasseurs se regardèrent, regardèrent Alexia, puis sourirent.

-Elle s'appelle Alexia, et vient faire son "apprentissage" auprès de nous, fit Legolas. Elle fait partie de notre équipe, et donc de notre grande famille. Considère-là comme moi ou Savraël.

-Bi... bien. Hum, nya, je suis Blake, intendant de cette maison de FOUS et chef de chantier de la bande de gamins qui mets le bazar dans ma chambre à l'instant même. Enchanté de vous connaître.

-Enchantée, Blake. Je suis Alexia Shin.

Legolas sursauta, et demanda violemment :

-Tu as bien dis Shin ?!

-Heu..., ou... oui, répondit l'adolescente, apeurée.

-Heu je..., hum, rien, excuse-moi.

Le chasseur sortit en trombe de la maison, le visage fermé.

Il revint plus tard, pour le repas, alors que Savraël venait d'achever le récit des deux précédentes journées. Tout le monde l’accueillit en silence, et l'ambiance ne se ternit pas. Ils parlèrent de tout et de rien quelque temps, puis Alexia demanda :

-Bon, quel est le programme pour demain ?

Arturo réfléchit un instant.

-Demain, je ne sais pas, mais voila pour les prochains mois : entraînement sur toutes les sortes de monstres et sur tout les types de terrain, cours d'anatomie et de géographie, leçons de traque, leçons
théoriques et pratiques du maniement de toutes les armes de chasse, et surtout, pratique de la chasse tout les jours. Legolas s'occupera de la plupart, étant le plus âgé et le plus expérimenté d'entre nous. Mais pour les leçons de Marteau, ce sera Savra, et pour l'Arc et le Katana ce sera moi. Tu dois savoir tout utiliser, même si tu n'es pas obligée de te spécialiser. Ton arme se brise, et que tu n'as qu'un Cor sous la main, tu feras quoi ?

-Gloups... Programme chargé... Mais je vais atteindre un bon niveau, avec ça !

-Hé hé hé, tu ne crois pas si bien dire ! dit Savraël. On va t'en faire bouf...

-Savraël ! La coupa le jeune homme.

-Oh, ça va, ça va...

Legolas mit fin à cette discussion qui déviait fortement de sa voix grave :

-Alexia, réveil à neuf heures demain, tranquille. On te fera découvrir le village et les montagnes. Je te ferai un emploi du temps ce soir, et on en reparlera demain. Sur ce, Blake, pourrais-tu installer un lit pour elle ? Et Arturo, dis-moi, la réserve d'arme est toujours au même endroit ?

Blake hocha la tête, et le jeune homme répondit simplement :

-Oui.

-Bien. Alexia, prends tes affaires, et suis moi.

Le vieux chasseur et l'apprentie partirent poser leurs armes et armures. Avant qu'ils ne sortent, la fille demanda:

-Pourquoi avez-vous réagi quand j'ai dis comment je m'appelais ?

-...Suis-moi.

Legolas sortit dans la cour intérieure par une grande porte, et leva les yeux vers les étoiles. Après un temps de silence, il murmura...

-J'adore regarder les étoiles. On se dit que quelqu'un, à des milliers de kilomètres de là, regarde peut-être la même...

Alexia le laissa rêver, et reposa sa question :

-Alors ? Pourquoi avez-vous réagi ?

Soupir.

-J'ai rencontré un homme qui portait ce nom, il y a longtemps...

-Pardon ?!

-Marcus Shin. Un chasseur qui vivait dans les Terre brulées. Un homme droit, plus sage que je ne le serais jamais. Il avait choisi une vie d'ermite, mais il me parlait souvent de sa fille, qu'il avait dû laisser derrière lui. Elle portait son premier enfant, et son mari venait de mourir, renversé par un cheval.

Alexia ne parlait pas. Elle ne pouvait pas. Les mots restaient coincés dans sa gorge, amalgame d'émotions contenues.

Legolas se tourna vers l'adolescente, et continua.

-Je suppose que c'était ton grand-père ?...

-Je... j...

Le vieux chasseur s'avança vers elle, et la prit dans ses bras.

Elle y pleura longtemps... Longtemps ? Dans ces moments là, on se retrouve dans un état de demi-conscience, ou le temps n'est plus qu'une faible partie de ce que nous percevons.

Au milieu de la nuit, Legolas porta la fille, à moitié endormie, jusqu'à son lit. Il veilla sur elle quelque-temps, puis se coucha à son tour.

"Elle devait le croire mort", songea Legolas en sombrant dans le sommeil...

L'odeur du pain grillé et du café chaud réveilla Alexia, dernière encore endormie.

Blake et les deux cuisiniers préparaient le petit déjeuner pour tout-le monde, ce qui n'était pas chose facile, soit dit en passant. Avec Arturo, Savraël, Legolas, Alexia, Blake, Schlite, les deux cuisiniers, les deux maçons et les trois ouvriers... ça faisait du monde !

-Bonjour Blake, salua la jeune demoiselle.

Le Felyne leva les yeux du plan de travail.

-Nya, bonjour Alexia. Tu as bien dormi ?

-Oui, merci. Tu sais où sont les autres ?

-Dans la cour, derrière. Ils se sont levés à l'aurore pour faire je ne sais quoi, rrron...

-Merci.

Alexia s'en alla donc vers l’appentis, y entra, ouvrit la porte de l'autre coté et sorti à l'air libre.
Arturo et Savraël se battaient, en pantalon et chemise. C'était une lutte acharnée pour mettre l'autre à terre. Ils enchaînaient les balayages, les coup bas et les coups de pieds à une vitesse effarante.
Legolas, assit contre la butte, fit signe à la fille de le rejoindre, puis il lui dit :

-Regarde-les bien. Tu devras y passer toi aussi.

-D'accord.

Le combat se poursuivit, accompagné des conseils de Legolas.
Arturo finit par gagner, en maintenant son amie au sol durant dix secondes. En se relevant, elle lui serra la main.

-Bien joué.

-De rien. Tu es douée.

Ils rentrèrent se rhabiller, et devant le petit-déjeuner, ce fut Legolas qui entama la conversation :

-Bien. J'ai mis au point le programme d'entraînement de notre future chasseresse...
Huit heures, musculation et combat à main nues.
Dix heures, cours sur papier. Midi, déjeuner.
Deux heures, chasse jusqu'au soir.
Donc ça, un jour sur deux. Les autres jours, chasse toute la journée. Bien reçu ?

Alexia hocha la tête.

-Il y a un tableau dans l'appentis, le programme de chaque jour sera écrit dessus. Les projets d'arme, etc, fit Arturo. Tu pourras aller le voir si tu as un problème.

-OK, dit l'adolescente. Et Legolas reprit :

-Bon, aujourd'hui, Arturo va nous faire visiter le village, et les montagnes autour. Je ne suis pas revenu depuis dix ans et beaucoup de choses ont sûrement changées.

-Oui, Legolas, fit Arturo. Il y a eu pas mal de glissements de terrain, et beaucoup d'arbustes et de buissons ont poussés. Je vous guiderais.

-Parfait. Et bien, allons-y. Prenez vos armes, mais pas vos armures, on va avoir de la marche à faire.

Tout le monde acquiesça, puis ils se levèrent, prirent leurs armes et sortirent de la maison.
Il ne faisait pas froid, mais un vent puissant soufflait sur le village.

"Bizarre...", pensa Arturo. Puis il anonça :

-Bon, il y a pas mal de monde aujourd'hui, ça va être intéressant cette visite. Suivez-moi.

Et Arturo, connu de tous dans le village et connaissant aussi tout-le monde, les firent visiter durant une bonne heure le village en plein essor. De menuisiers en maçons, en passant par l'épicerie et la boulangerie, tout fut exploré. Legolas retrouva quelques vieux amis, mais peu. Nombreux étaient morts, ou partis.

Plus tard, à l'entré de Pokke :

-On ne risque pas de rencontrer de monstres ? demanda Alexia.

-Si, c'est possible mais on ne va pas s'aventurer dans des zones bien dangereuses, répondit Arturo. Et puis, on n'a pas d'armures mais on peut courir vite comme ça. On n'engagera pas le combat s'il y a un risque.

-Je vois.

Au bout de quelques minutes de marche, il arrivèrent à la sortie du bosquet de pins qu'ils venaient de
traverser et débouchèrent sur une sorte de champ, cerclé de rochers d'un coté et d'un grand lac de l'autre. Quelques Popos broutaient paisiblement l'herbe grasse, et on pouvait voir au loin des troupeaux d'Anteka qui faisaient de même.

-Joli paysage ! S'exclama l'adolescente. On en a pas des comme ça près de Yukumo.

-Oui, mais c'est beaucoup moins froid là-bas, ça ne forme pas du-tout le même environnement, fit
Legolas.

-Vous y êtes déjà allé ?!

-Oh, une ou deux fois pour chasser, à la demande du village.

-Bon, on continue ? dit le jeune homme, agacé.

Et il se remirent en marche. Arturo les conduisait par de nombreux sentiers tortueux, souvent cachés. Dans des bois de pin, et des plateaux rocheux balayés par le vent, il poursuivirent leur "balade" en paix...

Mais, sur le chemin du retour, alors que de lourds nuages gris se rassemblaient au dessus des montagnes, un rugissement retentit dans la vallée. Son écho se fit entendre plusieurs fois, puis finit par s'éteindre, au milieu du blizzard...

-A...Arturo ? finit par demander Savraël.

Le garçon se tourna vers son oncle, qui hocha la tête.

-Un Kushala Daora.

La voix de Legolas était calme. Il continua :

-Ne vous inquiétez pas, il est bien loin. Il ne descend jamais de sa montagne, de toutes façons. Depuis combien de temps il est là, Arturo ?

-Ah ! Personne n'a tué de Kushala depuis que je suis né. C'est donc probablement le même.

Les yeux de Legolas se mirent à briller.

-Lui, souffla-t-il...

-Pardon ? fit Savraël, curieuse.

-Heu, non, non, rien. Je pensais tout haut. Hum, bon, il ne faut pas s'attarder ici, la nuit ne va pas
tarder à tomber et c'est trompeur par ici.

Ainsi, il rentrèrent au village, et Arturo savait maintenant pourquoi le vent soufflait si fort ce jour-là...

Après le repas, ce dernier, de but en blanc, posa cette question à son oncle :

-Le soir ou tu es arrivé, tu as dit quelque-chose à la Doyenne, et elle t'a reconnu. Ça voulait dire quoi ?

Les deux chasseresses, seules dans la pièce à part les deux chasseurs, s'étaient tues.

-Ah... j'ai dit quoi déjà ?

-Un truc avec la dette d'un petit garçon, je ne sais plus trop. Je t'avoues que ça me tracasse depuis.

-Grmbl... curieux ?

-Oui. Mais en droit de savoir.

-Ah ! C'est juste... bon, je vais vous raconter ça alors... Installez-vous, et ouvrez grand vos oreilles.

Il prit une grande inspiration, tandis que les autres retenaient leur souffle.

-Cela s'est passé il y a ...trente ans, environ. J'avais dix ans, et j'étais parti avec Drackus et toute la classe de chasse dans les montagnes, pour une leçon de traque. Bien entendu, mon frère et moi ne pouvions pas tenir en place. Nous avions trouvé un sentier qui montait plus haut dans la vallée, et bien entendu, nous l'avons emprunté. Au nez et à la barbe de l'instructeur, comme nous savions si bien le faire. Nous marchions depuis une bonne demi-heure, nous amusant dans la neige comme des fous, quand nous sommes tombés sur un monticule relativement haut. Nous-nous sommes lancé le défi de l'escalader, et nous l'avons fait. Quelle idée stupide... bref, arrivés en haut, la vue imprenable sur toute la vallée nous a coupé le souffle. Mais, quand nous avons regardé autour de nous... nous avons remarqué une drôle de forme, cachée sous la neige. Curieux, nous l'avons déblayée. On aurait dit du métal rouillé, mais de la forme d'un dragon ! C'était, vous vous en doutez sûrement, une mue de Kushala Daora. En trébuchant, je suis tombé dessus et ma boucle de ceinture à frappée contre. Ça a résonné fort, jusqu'à Pokke probablement. Puis, un cri à retentit, non loin du pic de roche noire, le plus haut de tous. Nous avons prit peur, et nous avons fuit, dévalant la montagne à toute allure. Nous savions qu'une ombre nous suivait, qu'elle était presque sur nous. Mais, non centent de m'être déjà étalé par terre, je tombais une seconde fois, me cassant la cheville. Les cris se rapprochaient, et Drackus et moi essayions d'avancer, mais trop tard. Le Dragon Ancien était sur nous. Soudain, une femme armée de doubles-sabres noirs jaillit devant nous, se mit à frapper le monstre. Il reculait, surpris. Il finit par reculer pour de bon, et toisait du regard la femme, l'air de dire :

"Dommage. J'aurais bien fait des deux autres mon déjeuner, mais si tu te mets en travers de mon chemin... un Popo sera amplement suffisant."
Et il partit en s'envolant.

Bref, celle qui est maintenant la Doyenne de Pokke, me sauva jadis des griffes du même Kushala qui habite aujourd'hui cette montagne. Voila, vous savez tout.

-Et bien merci de nous avoir raconté tout ça, fit Arturo dans un sourire. On ne connaît rien de toi, alors il faut bien commencer quelque-part.

Legolas sourit à son tour, puis dit :

-C'est vrai, mais vous ne m'extorquerez rien d'autre ce soir ! Au, lit, tout le monde !

La bande de chasseurs/gamins partit en courant/rigolant se réfugier dans leur lits respectifs.

La journée du lendemain serait rude...