Chasseurs de Légendes épisode 1:Ombre

Legolas arrivait devant le kiosque avec une morne expression sur le visage, lorsque ses compagnons lui firent signe.

-Legolaaaas ! Içiii ! Hurla Savra de sa voix… explosive.

-On plein de journaux ! Continua Arturo. Et fit, soucieux : Alors ? Ça n’a pas l’air de s’être bien passé avec le régent…

-Non, ça va, rien de grave. Et vous ?

-Comme tu peux le voir, on a fait la razzia au kiosque. J’en ai eu pour cher !

-Oui ! Et il m’a gentiment offert quelques magazines d’armures de mode ! S’exclama Savraël d’un ton ravi.

-Hem… elle m’a fait les yeux doux… je n’ai pas pu résister.

-Je vois…Legolas attira son neveu à l’écart.

-Dis-moi mon garçon, tu n’en pincerais pas un peu pour elle ? Fit-il à voix basse.

-Mais je… pas du tout voyons ! Fit le Jeune homme en rougissant.

-Laisse, tu es aussi doué pour mentir que ton père. Bon, tu veux un conseil ? Si tu continue comme ça, tu vas te laisser embarquer et manipuler comme un pantin. Je connais les femmes, et je peux t’assurer qu’elles sont toutes retorses, sans exception. Alors reste gentleman, galant mais ferme, compris ?

-Euh,ou…oui.

-Et par pitié, cesse incessamment ces stupides bégaiements ! On croirait entendre une chèvre.

-D’ac… d’acco…

-STOP !!!

Arturo se racla la gorge.

-Hum, d’accord.

-Parf…

-Ohééé, les garçons ! J’ai trouvé quelque-chose d’intéressant.

Ils accoururent à toute vitesse.

-De quoi, une annonce ? Fit Legolas.

-Oui, un gars qui bossait comme fabriquant de prototypes d’armes pour la guilde et qui s’est reconverti en chasseur quand il est parti de son job.Ça fait cinq ans, et il
est monté jusqu’au rang quatre ! On sait qu’il s’appelle Paladius mais on ne sait pas quel âge il a. On essaye ?

-Pourquoi pas ? Legolas, ton avis ?

- Ok, mais il faudrait qu’on sache s’il a vraiment bossé comme chercheur pour la guilde et s’il est vraiment répertorié en tant que chasseur. Faut retourner voir le régent…

Aux alentours de Moga, un groupe de mineurs armés d’explosifs, de pioches et de pelles était partit explorer un sentier de montagne au bout duquel ils étaient censés trouver un filon de minerais rares, comme le Machalite ou le Dragonite. La route fut longue, le chemin était envahi de ronces et d’herbes folles, alors déjà qu’il n’était pas bien marqué à l’époque, il était devenu à peine visible.

L’aller prit onze jours à la demi-douzaine de pionniers entraînés. Ils se perdirent maintes fois et faillirent se décourager plus de fois encore, c’est pourquoi ils savourèrent tant leur réussite. Assis sur des roches plates chauffées par le soleil, à 1600m d’altitude, ils se délectaient d’un repas frugal mais qui leur parut être un festin après cette dure escalade.

Ils pouvaient admirer toute la flore et la faune sauvage de l’île, transformée en magnifique aquarelle par cette journée ensoleillée. Les forêts s’étalaient à perte de vue, parfois trouées par de petites clairières ou de quelque rivière audacieuse. On pouvait voir quelques groupes d’Apnoths qui paissaient tranquillement, là où herbe grasse conciliait arbres et lacs. Des meutes de Jaggis en chasse de quelque herbivore dodu avalaient les distances à une vitesse folle, en prédateurs nés. Il y avait même un Ludroth Royal qui faisait la sieste sur le rivage.

Bref, c’était une journée de printemps tout-à fait normale à Moga.

Presque normale.

Une ombre passa.

Un cri du fond des âges retentit.

Le grondement d’un volcan.

Le sifflement d’un obus.

Une sphère de noirs éclairs s’abattit sur la montagne.

Il ne restait qu’un pan de cette dernière-transformée en falaise abrupte-, une fumée noire à l’odeur âcre de chair brulée et pas une ombre de la cause de cette
apocalypse.

Pas une seule.

Un peu avant, à Pokke.

Legolas avait prévu d’aller voir Libarion, le premier forgeron du village. C’était lui qui avait forgé son épée, et il fallait qu’il lui demande quelque-chose…

Son atelier, un grand hangar, était rempli d’outils, de machines, de restes de materiaux, de divers fours et forges, d’armes non terminées, achevées, de tréteaux, de grues et de bon nombre d’établis disposés le long des murs.

Sur une table de travail il y avait toute une collection de pinces. Pour la forge, la soudure, la joaillerie, le moulage, la taille de pierre et j’en passe. Des grosses à gros crochets aux minuscules plates en passant par celles taillées au millimètre près pour un objet et pas un autre, il y en avait d’absolument toutes les formes.

Sur un autre établi il y avait une énorme quantité de ciseaux, à bois, à métal, à pierre, à os, à cuir et même pour la chirurgie. Probablement pour les tendons, les muscles et autres parties de monstres fragiles.

Un troisième établi était surchargé d’outils de frappe, des marteaux, des maillets, des masses, des chasses rondes, planes, carrées, triangulaires, ovale, dont le plus petit pouvait faire 200 grammes et le plus lourd facilement 16 kilos.

Bon, il y a une quinzaine d’autres établis alors on va s’arrêter là. Legolas appela :

-Libaariooon !

-FORNEVEEEEEER !!!!!!!!!!! Hurla en réponse une voix cassée par l’âge mais de grande amplitude.

Une explosion retentit, et une petite silhouette atterrit sur un tas de chiffons sales, juste à droite du chasseur. Ah, petite précision : l’atelier était ouvert à l’arrière sur une grande cour, probablement utilisée pour les essais d’armes diverses.

C’est de là qu’était arrivé, par la voie des airs, la silhouette sombre qui maintenant se relevait lentement, en grognant :

-Grmbl… jamais un être humain ne pourra ça, il ya beaucoup trop de recul. Il faudrait que j’installe un système d’amortisseurs dans la crosse pour…

-Alors Libarion, toujours en train de bosser ? Fit Legolas d’un ton espiègle.

-Legolas ! Ça alors, tu es revenu ? Fornever !

-On dirait bien. Comment vas-tu ?

-Bien, bien, fornever. Mais nous avons beaucoup de choses à nous dire, viens donc dans mon bureau. J’ai un nectar exotique aux fleurs d’ananas dont tu me diras des nouvelles !

Quelques instants plus tard, les deux amis étaient confortablement assis dans des fauteuils de cuir tout en sirotant un délicieux alcool.

-Alors, as-tu trouvé ce que tu cherchais ? Commença Libarion.

-Non. En vérité, je cherchais des réponses à de nombreuses et douloureuses questions, et je pensais les avoir trouvées, ou presque. Mais quand j’ai appris la mort de
Drackus il ya quelques jours, tout s’est écroulé. Quand à ma quête du Dieu blanc, pour prouver au monde que j’étais capable de surpasser mon frère, je l’ai laissée tomber il ya quatre ans lorsqu’ elle m’est apparue telle qu’elle était : pathétique. C’était la folie d’un adolescent vaniteux, jaloux de son frère et de son amour. Et maintenant je m’en veux. J’ai laissé tomber mon frère, la femme que j’aimais et leur enfant. Si j’avais été là face à l’Akantor, elle ne serait pas morte. SI j’avais été là face au Tigrex Noir, il ne serait pas mort… Sa voix s’étrangla dans un sanglot.

-On ne peut pas savoir ce qui serait arrivé, reprit le vieux forgeron. Ce n’est en aucun cas ta faute. Drackus et Silvia auraient pu mourir de milles façons différentes au même moment, et ça n’aurait eu aucun rapport avec toi ! …Si le destin existe, il est comme un torrent à la saison des pluies, impossible à arrêter. On peut le ralentir, à la limite, mais jamais on ne peut le stopper.

-Tu as peut être raison… Tout ce que je sais c’est que j’ai eu tort de part…

Soudain, la gigantesque épée de Legolas s’illumina d’un puissant halo bleuté. Le mur de bois contre lequel elle était posée se mit à fumer, puis s’enflamma !

L’immense lame était maintenant parcourue d’éclairs bleutés menaçants.

Puis tout s’éteignit. Le feu, la foudre, la lumière.

Cela n’avait duré qu’une fraction de secondes, pendant laquelle le temps semblait s’être arrêté, soumis à une force plus grande que l’immortalité…
Nos amis restaient immobiles, pétrifiés devant la puissance de cette infime seconde.

-Que… que, bégaya Libarion en s’approchant à pas lents de l’épée.

-Ne touche pas ! Cria Legolas. Elle est chargée d’électricité !

Sur ces mots, il empoigna l’épée blanche et fut instantanément secoué de violents spasmes. Mais il ne lâcha pas l’arme pour autant. Au contraire, il l’empoigna plus fermement encore malgré les puissantes décharges qui le parcouraient. Au bout d’une dizaine de secondes, les chocs électriques s’arrêtèrent et le vieux forgeron se remit à respirer.

-Co… comment a-tu fais ça ?

-Au bout de trente ans à utiliser cette épée, tu ne croyais pas que je resterais sensible à la foudre ?

-Non mais… c’était beaucoup trop puissant !

-C’est de ça dont je voulais te parler. Ce n’est pas la première fois qu’elle me fait le coup…

Il courait.

Cela faisait des heures qu’il courait.

Et il avait perdu ses chères petites lames coupantes.

Pourquoi ?

Pourquoi avait-il fallu que cette fichue Lunastra vienne se mêler de se qui ne la regardait pas ?!

Il ne pouvait pas savoir qu’être fossoyeur plaisait aux Lunastras.

Aux Lunastras mutantes en plus.

Ou alors le style runiquo-gothique était la nouvelle mode chez les Dragons anciens.

C‘est possible.

Cela pourrait correspondre avec le fait qu’elle surveillait ce cimetière d’os.

Après tout, c’était peut-être une boîte de nuit ?

Mais elle aurait pu trouver autre-chose pour la déco que des matériaux de dragons anciens !

Crotte.

Crotte.

Crotte crotte !

Et maintenant, il était en pleine jungle.

À trente kilomètres de Kokoto.

Sans armes.

Avec trois potions.

Un steak trop cuit.

Une carte à moitié cramée.

Mais plus que tout.

Il avait peur.

Par une de ces petites peur qu’on à lorsque sa copine s’apprête à lui dire qu’elle le quitte, nooooon !
Une de ces peurs, peur de mourir, qui se mêle à l’Adrénaline comme le blanc se mêle au noir, comme l’Espoir au Fatalisme.

L’Adrénaline.

Elle se crée à partir de la fatigue, de l’espoir et de l’envie de vivre.

La peur de la mort ne se crée pas.

Elle apparaît, ou disparaît.

Et selon le degré de regrets et de volonté, elle est plus ou moins présente.

La peur disparut soudain.

Il ne resta plus que la mort.

La Lunastra l’avait rattrapé…